Comme beaucoup de ses œuvres sacrées, le Magnificat RV 610 de Vivaldi a été écrit pour le chœur et l'orchestre du Pio Ospedale de la Pietà de Venise, dont la réputation n'est plus à faire. Pendant son séjour à Venise, Vivaldi s'est forgé une réputation de virtuosité et d'excellence qui a suscité l'intérêt d'un grand nombre de personnes.
Bien que leur son sublime et unique ait suscité chez les spectateurs enchantés la vision de beautés éthérées cachées derrière les écrans de métal des balcons de l'église Santa Maria de la Pietà, la vérité était quelque peu différente.
Les filles de cet Ospedale (il y en avait quatre à Venise au début du XVIIIe siècle) étaient recueillies en tant qu'enfants abandonnés ou non désirés. Nombre d'entre elles étaient nées de femmes de la noblesse, ou à la suite de liaisons clandestines et de la prostitution. Cette période à Venise était tristement célèbre pour ses comportements libertins : accouplements occasionnels, jeux d'argent, consommation excessive d'alcool et comportements socialement irresponsables. La syphilis et d'autres MST étaient répandues et ont entraîné des malformations chez de nombreux bébés malheureux.
L'un des moyens de se débarrasser d'une naissance embarrassante ou gênante était de déposer l'enfant dans la scaffetta de la Pietà. Il s'agissait d'une « boîte aux lettres » de la taille d'un jeune enfant, dans laquelle une mère désespérée ou un membre de sa famille pouvait déposer son petit en sachant qu'il serait pris en charge.
Certaines mères laissaient un souvenir avec le bébé : une mèche de cheveux, une demi-pièce de monnaie ou un ruban, dans le vain espoir qu'elles pourraient récupérer leur enfant à une époque plus favorable. Cette éventualité était toutefois très peu probable, car le don d'un bébé de cette manière entraînait la tutelle légale de la Pietà.
Les garçons y restaient jusqu'à l'âge de sept ans, puis étaient envoyés comme apprentis ou ouvriers agricoles. Les filles commençaient à suivre des cours de musique et, si elles faisaient preuve de talent, elles recevaient une formation musicale poussée. La plupart d'entre elles y restaient toute leur vie et devenaient célèbres. Celles qui n'avaient pas le talent requis étaient employées comme domestiques. Elles ont eu plus de chance que d'innombrables petites filles malheureuses, trop souvent glissées discrètement dans un canal.
Le fait le plus significatif concernant le célèbre chœur de Vivaldi a été découvert au début de ce siècle par des chercheurs de la Pietà qui ont trouvé des preuves convaincantes que toutes les parties vocales étaient chantées par des femmes.
Il est probable que Vivaldi ait eu une femme à la voix exceptionnellement basse qui lui a donné l'idée. En fait, elle est nommée dans les archives Anna dal Basso (Anna de la basse). Les lignes de basse vocale étaient généralement doublées par les contrebasses de l'orchestre pour plus de force, car les voix de basse féminines sont plus légères que celles des hommes. Les ténors féminins étaient plus faciles à trouver car leur tessiture n'est pas si différente de celle des voix d'alto graves. Nous avons une femme ténor dans Cantabile !
En 2003, un groupe de chanteuses âgées de 16 à 65 ans et provenant principalement de la région d'Oxford a été formé par le musicologue et directeur du Oxford Girls' Choir Richard Vendome, afin de visiter Venise et de recréer le son unique des femmes SATB.
Notre directrice musicale, Penelope Martin-Smith, écrit : « J'ai eu le privilège d'être sa directrice associée et la coach vocale du groupe, qui est devenu populairement connu sous le nom de “Vivaldi's Women” (les femmes de Vivaldi). Nous avons filmé les représentations qui en ont résulté en 2005 pour un documentaire de la BBC4, que vous pouvez regarder sur YouTube ».
Nous sommes ravis de vous présenter le Magnificat de Vivaldi dans la version chorale SATB mixte hommes/femmes lors de notre concert de printemps 2025 le 12 avril à l'église St Félicien, Issigeac (24560), sous la direction de notre directrice musicale, Penelope Martin-Smith.